La nouvelle année approche à grand pas. A l’heure des bonnes
résolutions, des bilans et autres rétrospectives, Actufeministe vous propose
son classement des faits qui ont marqués 2011.
On commence par les phrases, presque anodines en apparence mais
qui nous rappellent qu’il y a encore du travail à faire.
Et 2011 commence fort
dès février. Ce mois-là, un policier canadien en visite dans une Université de
Toronto a l’excellente idée de donner ce conseil aux étudiantes : « Les
femmes devraient éviter de s’habiller comme des salopes si elles ne veulent pas
être agressées ». Joli. Surtout venant d’un représentant de l’ordre,
c’est-à-dire quelqu’un chez qui les victimes de viols devront aller quand elles
trouvent le courage de porter plainte. Pour peut-être entendre ce genre de
phrases. Des étudiantes choquées décident de réagir à ces propos. Sous le mot d’ordre :
« Nous en avons assez »,
elles rappellent qu’une femme victime de viol ne devrait jamais être tenue pour
responsable. Et décident d’occuper l’espace public avec la Slutwalk, ou « Marche
des Salopes ». Une initiative qui serait suivie dans le monde entier, prouvant
par là un ras-le-bol général. De New York à New Delhi, en passant même par
Bruxelles, des femmes et des hommes manifestent pour le droit de s’habiller
comme on le veut. Pour rappeler que si une femme porte une mini-jupe, une
jupe ou une robe, ce n’est pas parce que c’est une salope. Que quand je porte
une mini-jupe, c’est pour moi. Et que ça, trop de gens l’oublient. Les hommes ont
tendance à penser que si une femme porte une mini-jupe, c’est pour eux. Ils
pensent que ça leur donne le droit de mater, siffler, crier. C’est rigolo.
Parce que moi le matin quand je mets ma mini-jupe, je ne me dis pas, « vivement qu’un type dégueulasse me mate, et
s’il pouvait me suivre dans une ruelle sombre et me violer, waw, encore mieux ».
Non. Je me dis « tiens aujourd’hui, je mettrais bien une jupe » comme
je pourrais me dire que je me mettrais bien un t-shirt rouge plutôt que gris,
ce qui est déjà faire un effort, étant donné que je sais très bien les regards
méprisants, d’hommes comme de femmes, de toutes origines et de tout âge. C’est
ce qui me faisait dire dans cet article, qu’après s’être battue pour porter le
pantalon, il faut maintenant se battre pour le droit de porter une jupe. Qu’on
me mate ou qu’on me siffle, je n’en ai rien à faire. Au contraire, ça me fait
chier. Tu me trouves jolie dans ma mini-jupe. Très bien. Moi aussi je trouve
des mecs vraiment canons. La petite chemise bleue que celui-là a choisie ce
matin est du meilleur effet. Pourtant, je n’estime pas avoir le droit de lui
pincer les fesses, de le mater de haut en bas avec un air suggestif (ou bovin) ou mieux de
le siffler et de lui crier des conneries.
Je crois qu’il serait plutôt surpris. Ca ne doit pas (encore ?) vous
arriver beaucoup à vous, messieurs. C’est pourtant une réalité pour toutes les
femmes que je connais.
La Slutwalk, c’est aussi une fracture dans le mouvement
féministe, certaines estimant que se traiter soi-même de « salope »
est le contraire même du « féminisme ». Sans comprendre que c’est
justement contre cette insulte que l’on marche dans une Slutwlak. Sans
comprendre qu’à aucun moment on est une « salope » quand on
manifeste. Puisque justement, on réclame le droit de porter les vêtements que l’on
souhaite sans donner cette impression. Puisque dans « Marche des Salopes »,
le mot « salope » est ironique. D’autres encore parlent de promotion
du « regarder mais pas toucher ». Excusez-moi. Je dois venir d’une autre planète.
J’ai cru que dans les sociétés humaines, apprendre à canaliser ses pulsions
était important. Et que quand une femme dit non, c’est non, mini-jupe ou pas et
que oui, alors, tu n’as plus que tes yeux pour la regarder et/ou pleurer. Dure
réalité. L’anarchie, c’est bien plus cool. Je suis du même avis (mais pas pour
les mêmes raisons).
En septembre, on a eu la chance d’avoir l’avis d’un
pédopsychiatre français, Stéphane Clerget, (sorti d’on ne sait où de nouveau le
gentil monsieur) sur l’enseignement. Un pédopsychiatre qui nous assène gaiement
qu’il y a « trop de femmes dans l’enseignement ». C’est un
danger pour les petits-garçons. Des petits-garçons qui vivent de plus en plus
seuls avec leurs mères…puisque les juges les favorisent. (discours masculiniste
inside). Donc ces pauvres petiots mâles
ne sont entourés que de femmes. Des femmes à la maison, des femmes à l’école, des
femmes à la cantine, des femmes au supermarché, etc. Ils n’ont aucun homme
auquel se référer. Or, ils ont besoin de référent masculin. Et donc, la
conséquence est toute trouvée, c’est un danger pour la société humaine, car c’est
la raison pour laquelle les petits garçons ratent à l’école. Bien sûr. Ils ont « du mal à s’identifier à des sujets supposés
savoirs féminins ». Bien sûr. D’abord, on ne sait pas d’où sort
cette conclusion. Est-ce qu’il a fait des études, avec combien d’enfants,
quel type de questions, etc. Aucune réflexion non plus à la question du
pourquoi un garçon aurait du mal à croire qu’une femme peut « savoir » ?
http://www.helmo.be |
Il est rejoint dans son délire par David Cameron, Premier
Ministre britannique, qui estime qu’il faut plus d’hommes dans les écoles pour
y apporter plus « d’autorité ». Ah c’est bien ça. C’est un mode de
pensée évolué. Aux hommes l’autorité, aux femmes la douceur et la gentillesse ?
Et puis quoi, aux hommes l’intelligence
et aux femmes la naïveté ? Qu’elles restent dans leur cuisine à faire des
tartes, au lieu de se laisser marcher sur les pieds par des enfants. Mon petit David, je ne sais pas comment ça se passait chez
toi, mais chez moi, c’est ma mère qui avait le plus d'autorité. Tu vois, pour
prendre une métaphore que tu apprécieras, celle d’un film policier, elle jouait
le méchant flic, et mon père le gentil flic.
Mais bref, tout ça, c’est à cause des femmes. On assiste à une
vraie colonisation. Les femmes prennent le travail des hommes. Et c’est
dangereux pour vos petits garçons. Vous
vous rendez compte. Les hommes sont presque dis-cri-mi-nés. Plus sérieusement. Il
n’y a aucune discrimination dans l’enseignement. Il y a des hommes qui enseignent,
et qui le font très bien (et autre chose que la gym). Il y a juste moins d’hommes
qui choisissent cette voie. Mais un homme qui se lance dans cette voie a autant
de chance qu’une femme d’y travailler. Donc, on ne discrimine pas les hommes. Et
s’il y a plus de femmes dans l’enseignement, est-ce que ce ne serait pas parce
qu’on a toujours considéré que c’est aux femmes de s’occuper des gosses ? Donc
de leur éducation ? Est-ce que ce ne serait pas ce mode de pensée là qui n’encourage
pas les hommes à se lancer dans ce genre de métier ? Pire, les postes de
direction et d’inspection sont majoritairement masculins. Les hommes sont donc
aux postes-clés (mais qui ne demandent que peu de contacts avec les enfants
comparés à la vie d’une enseignante).
Loin de moi l’idée de vouloir accorder le moindre crédit aux
idées bizarres de ce type, mais je rajouterais que si c’est grave pour les
garçons, pourquoi cela ne le serait-il pas pour les petites filles ? Donc
un garçon, ça ne peut pas vivre sans père ou sans référent masculin, c’est
dan-ge-reux. Mais les petites filles, on s’en fout. Pas besoin de père ou d’homme
dans la construction des fillettes. Entourées de femmes, elles apprendront encore mieux à bien cuisiner
et à coudre. Je suppose.
En août, c’est le début de la fin d’une grosse foire. Pas aux bestiaux
(enfin presque) mais médiatique. DSK (pas besoin de vous le présenter) s’exprime
devant les caméras de télévision. Il dit
devant la France entière : « Ce
qu’il s’est passé, c’est une relation non seulement inappropriée mais plus que
ça…une faute ». Une faute. Je sais que Claire Chazal était l’amie d’Anne
Sinclair (elle était là pour ça après tout), mais il y avait de quoi lui
demandé, quelle faute non ? Est-ce
tromper sa femme ? Ou en violer une autre ? Bizarre quand même ce mot
dans la bouche d’un homme qui trompe sa femme à l’envi et n’a pas l’air d’en
ressentir le moindre remord. Alors oui, d’accord,
tromper sa femme, cela relève de la vie privée (et encore un homme publique, quelqu’un pour qui on vote,
a-t-il une vie privée ?). Sauf
que dans le cas de l’affaire DSK, on parle d’un viol présumé. Oui, on parle.
Pas on parlait. Parce qu’il y a encore une procédure au civil en cours. Parce
que non, ce n’est pas avec au non-lieu pénal que DSK est innocenté, comme on a pu le lire et l’entendre dans de nombreux
médias. Un non-lieu signifie qu’il n’y a pas assez de preuves pour aller devant
une juridiction pénale. Donc, cela peut tout simplement signifier que DSK est
un homme intelligent.
L’affaire DSK, une horreur dès fin mai dans le traitement par les
médias, qui nous montre encore que la parole d’une femme, noire et pauvre de
surcroit, ne vaut rien contre celle d’un homme riche et blanc. Ca semble presque
cliché, mais dès le début, des doutes sur ce qu’elle dit sont exprimés. Ce qui
m’avait fait dire qu’il ne fallait pas oublier qu’on parle d’un possible cas de
viol. Vrai ou pas, ce n’est même pas
ça l’important. Si on a un minimum d’empathie, elle ne devrait pas se tourner
vers le coupable potentiel. Il faut attendre les enquêtes et ne pas s’exprimer
sans rien savoir. Pourtant, viol ou pas
viol, on a pu lire et entendre des termes comme « troussage de domestique » (élégant, le troussage ce n’est pas
cette légende du Moyen Age ? Ça montre où on en est dans l’évolution des idées,
où on a pu voir des débats sur France 2 avec uniquement des amis de DSK (qui le
défendaient cela va sans dire, ils étaient là pour ça après tout), un Christophe
Giltay sur RTL-TVI qui dès les premiers jours de l’affaire demande, en direct,
de penser au PS français, à la famille de DSK, à ses enfants et à sa femme (et
à Nafissatou Diallo, on n’y pense pas ? Cette femme a peut-être subi un
viol mais bon, pensons donc au PS, c’est mieux). Sur toutes les chaines, on
interview les « français de la rue » (et même des Belges tiens, magnifique)
sur la thèse du complot, parce que c’est sûr, le micro-trottoir, c’est un grand
moment de journalisme. Où on entend qu’une petite-amie de dealeur, ça ne peut
pas se faire violer. Biens sûr que non. Ça veut juste de l’argent. En se
basant sur quoi ? Des rentrées d’argent étranges (ne regardez pas mon
compte en banque alors, vous en verrez des entrées étranges) et une traduction
bancale d’un dialecte, sorti de tout son contexte. L’occasion pour moi de
rappeler qu’une petite-amie de dealeur, qu’une dealeuse même ou une prostituée
peut se faire violer. Bizarrement, un violeur, ça ne vous demande pas quel
est votre métier avant. « Quoi,
comment ça, dealeuse ? Ah mais non, ça ne le fait pas, Excusez-moi madame,
relevez-vous, je vous en prie, bonne soirée et bonjour chez vous, j’ai changé d’avis ».
De toute façon, quand un seul média en France ose vraiment critiquer DSK, je parle
de Canal + bien sûr, il faut se poser des questions. Et ce n’est même pas fini.
Récemment, on parle d’un DSK déprimé. Parce qu’il porte une barbe et marche en
rue. Terrible. Je pense à tous les hommes que je connais qui portent une barbe.
Je devrais peut-être leur envoyer du chocolat. Et Nafissatou Diallo, comment
elle va ? Elle est déprimée ? On ne sait pas. Tout le monde s’en
fout. Mais que DSK se balade avec la gueule du Père Noël sans sa Porsche, là c’est
une triste histoire.
Une affaire révélatrice de comment notre société considère le viol aussi. On ne croit pas la victime. Est-ce que ce ne serait pas une prostituée, est-ce qu’elle n’aurait pas tenté de la séduire ? On parle d’un DSK « séducteur », alors qu’il est connu et reconnu qu’il harcèle les femmes quand même. Quand on commence à confondre séduire et harceler, où va-t-on ? C’est vrai qu’il doit être vraiment un très bon séducteur pour convaincre en sept minutes une femme qu’il ne connaît pas de lui faire une fellation. Chapeau bas. Même réflexion pour la manière dont on a traité Tristane Banon. Quant à la théorie du complot, ça ne tient pas la route. Sarkozy qui appelle la CIA pour piéger DSK, sérieusement ? Deux hommes qui se serrent dans les bras en sautillant dans les sous-sols du Sofitel. Magnifique preuve qui ne prouve rien. Si on devait compter toutes les fois où j’embrasse mes amies en sautillant... Ah oui mais moi je suis une femme, donc c’est normal. Quand ce sont deux hommes, c’est la preuve d’un complot.
En novembre, Susanne Graf, membre du Parti Pirate, un parti
qui se veut alternatif et de gauche quand même, tout en prônant la démocratie
directe, explique dans une interview : « En politique,
on cherche rarement des gens compréhensifs, prêts à faire des compromis, on
cherche en général des gens qui savent polariser et dire leur opinion. Et ça,
les hommes savent mieux le faire ». Et cela expliquerait pourquoi elle est la seule femme de
son groupe. Mais la femme est définitivement un homme comme un autre (merci Marie)
qui peut elle aussi véhiculer des clichés. Je suppose donc que dans son esprit, les
gens compréhensifs et aptes à faire des compromis sont des femmes. Pour
polariser (sic ?) et dire son opinion, les hommes sont meilleurs. Ah. Je ne sais pas ce que je fais, à part dire
mon opinion sans arrêt sur ce blog. Et pas de soucis, je suis une femme. J’ai
même l’impression que les femmes ont plus le courage de leurs opinions. Mieux.
En Belgique, on sait très bien que celui qui a réussi un des plus gros
compromis de notre histoire, c’est Elio Di Rupo. Un homme. Mais en politique,
il ne faut pas savoir faire des compromis. Ça ne sert à rien. Et c’est du
ressort des femmes en plus. Sans intérêt. Pareil pour la compréhension. Qu’on
essaie de me faire discuter avec des masculinistes, on va voir jusqu’où je peux
être compréhensive (on n’ira pas très loin). Et pourtant, je crois être une
femme. Décidemment Mme Graf, vous êtes douée pour polariser vous aussi, dire qu’une
caractéristique est propre à la femme ou à l’homme, c’est un peu vieillot. On n’a
pas un gène du compromis et de la compréhension. Une femme peut faire de la politique
aussi bien qu’un homme. Voilà ce qu’il aurait été chouette d’entendre pour une
fois.
http://regionales2010.slate.fr |
Et en
décembre, c’est celui que j’évoquais juste au-dessus qui a raté une occasion de
se taire. Mon cher Elio. Quand tu dis à propos de Olivier Chastel, Ministre
du budget, que tu lui as donné « une boîte de testostérone, pour qu’il ne
nous fasse pas un budget de gonzesse », tu me déçois (non pas que
ce soit rare d’être déçu par Elio, loin de là). Je ne sais pas ce qu’il m’a
pris, j’étais pourtant fière d’avoir un Premier Ministre homosexuel, qui allait
peut-être savoir ce que ça fait d’être discriminé ou stéréotypé. Mais non. De
la testostérone, sérieusement ? Comme celle qu’on donne aux bœufs pour qu’ils
grossissent ?
Donc en clair, Elio veut un budget de mecs, de vrais, un budget qui ne rigole pas comme celui des gonzesses hein (?). Pourquoi utiliser le mot « gonzesse », qui est assez insultant, il faut l’avouer ? Tu aimes quand on t’appelle « tapette » Elio ? C’est agréable ? C’est normal qu’on utilise ce genre de terme pour parler de toi ? Voilà ce que je ressens quand on me traite de « gonzesse ». C’est un mot péjoratif. J’ai un peu du mal à te suivre, tu sais que le budget a depuis toujours été fait par des hommes ? Et que ça ne nous a pas vraiment réussi. Alors sérieusement, peut-être que des gonzesses auraient pu apporter un peu d’ordre à tout ça, qui sait ? Mais en Belgique, c’est mal vu de laisser les sous-sous à Madame. Les femmes ministres souffrent du machisme en silence et se font traiter de tous les noms dans nos médias, de la « Madame Non », qui est incapable de gérer son métier et ses enfants pour Milquet, à la « tête de cheval » de Caroline Gennez, en passant par la corpulence de Maggie de Block (dont personne n’a rien à faire, est-ce qu’on a mis en cause la corpulence de Dehaene dans le fiasco Dexia ?).
http://www.julieharrisphotography.com |
Donc en clair, Elio veut un budget de mecs, de vrais, un budget qui ne rigole pas comme celui des gonzesses hein (?). Pourquoi utiliser le mot « gonzesse », qui est assez insultant, il faut l’avouer ? Tu aimes quand on t’appelle « tapette » Elio ? C’est agréable ? C’est normal qu’on utilise ce genre de terme pour parler de toi ? Voilà ce que je ressens quand on me traite de « gonzesse ». C’est un mot péjoratif. J’ai un peu du mal à te suivre, tu sais que le budget a depuis toujours été fait par des hommes ? Et que ça ne nous a pas vraiment réussi. Alors sérieusement, peut-être que des gonzesses auraient pu apporter un peu d’ordre à tout ça, qui sait ? Mais en Belgique, c’est mal vu de laisser les sous-sous à Madame. Les femmes ministres souffrent du machisme en silence et se font traiter de tous les noms dans nos médias, de la « Madame Non », qui est incapable de gérer son métier et ses enfants pour Milquet, à la « tête de cheval » de Caroline Gennez, en passant par la corpulence de Maggie de Block (dont personne n’a rien à faire, est-ce qu’on a mis en cause la corpulence de Dehaene dans le fiasco Dexia ?).
L’occasion
aussi pour moi de vous souhaiter une bonne année 2012 sur Actufeministe, qui
continuera à essayer de vous faire rire tout
en vous faisant réfléchir. Merci pour les 12.913 visites de cette année, et les commentaires toujours intéressants. Ouvrons encore le débat sur les questions de
genre l’année prochaine.
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