mardi 27 décembre 2011

Rétrospective 2011- les phrases chocs


La nouvelle année approche à grand pas. A l’heure des bonnes résolutions, des bilans et autres rétrospectives, Actufeministe vous propose son classement des faits qui ont marqués 2011.

On commence par les phrases, presque anodines en apparence mais qui nous rappellent qu’il y a encore du travail à faire.



Et 2011 commence fort dès février. Ce mois-là, un policier canadien en visite dans une Université de Toronto a l’excellente idée de donner ce conseil aux étudiantes : « Les femmes devraient éviter de s’habiller comme des salopes si elles ne veulent pas être agressées ». Joli. Surtout venant d’un représentant de l’ordre, c’est-à-dire quelqu’un chez qui les victimes de viols devront aller quand elles trouvent le courage de porter plainte. Pour peut-être entendre ce genre de phrases. Des étudiantes choquées décident de réagir à ces propos. Sous le mot d’ordre : « Nous en avons assez », elles rappellent qu’une femme victime de viol ne devrait jamais être tenue pour responsable. Et décident d’occuper l’espace public avec la Slutwalk, ou « Marche des Salopes ». Une initiative qui serait suivie dans le monde entier, prouvant par là un ras-le-bol général. De New York à New Delhi, en passant même par Bruxelles, des femmes et des hommes manifestent pour le droit de s’habiller comme on le veut. Pour rappeler que si une femme porte une mini-jupe, une jupe ou une robe, ce n’est pas parce que c’est une salope. Que quand je porte une mini-jupe, c’est pour moi. Et que ça, trop de gens l’oublient. Les hommes ont tendance à penser que si une femme porte une mini-jupe, c’est pour eux. Ils pensent que ça leur donne le droit de mater, siffler, crier. C’est rigolo. Parce que moi le matin quand je mets ma mini-jupe, je ne me dis pas, « vivement qu’un type dégueulasse me mate, et s’il pouvait me suivre dans une ruelle sombre et me violer, waw, encore mieux ». Non. Je me dis « tiens aujourd’hui, je mettrais bien une jupe » comme je pourrais me dire que je me mettrais bien un t-shirt rouge plutôt que gris, ce qui est déjà faire un effort, étant donné que je sais très bien les regards méprisants, d’hommes comme de femmes, de toutes origines et de tout âge. C’est ce qui me faisait dire dans cet article, qu’après s’être battue pour porter le pantalon, il faut maintenant se battre pour le droit de porter une jupe. Qu’on me mate ou qu’on me siffle, je n’en ai rien à faire. Au contraire, ça me fait chier. Tu me trouves jolie dans ma mini-jupe. Très bien. Moi aussi je trouve des mecs vraiment canons. La petite chemise bleue que celui-là a choisie ce matin est du meilleur effet. Pourtant, je n’estime pas avoir le droit de lui pincer les fesses, de le mater de haut en bas avec un air suggestif (ou bovin) ou mieux de le siffler et de lui crier des conneries.  Je crois qu’il serait plutôt surpris. Ca ne doit pas (encore ?) vous arriver beaucoup à vous, messieurs. C’est pourtant une réalité pour toutes les femmes que je connais.




La Slutwalk, c’est aussi une fracture dans le mouvement féministe, certaines estimant que se traiter soi-même de « salope » est le contraire même du « féminisme ». Sans comprendre que c’est justement contre cette insulte que l’on marche dans une Slutwlak. Sans comprendre qu’à aucun moment on est une « salope » quand on manifeste. Puisque justement, on réclame le droit de porter les vêtements que l’on souhaite sans donner cette impression. Puisque dans « Marche des Salopes », le mot « salope » est ironique. D’autres encore parlent de promotion du « regarder mais pas toucher ».  Excusez-moi. Je dois venir d’une autre planète. J’ai cru que dans les sociétés humaines, apprendre à canaliser ses pulsions était important. Et que quand une femme dit non, c’est non, mini-jupe ou pas et que oui, alors, tu n’as plus que tes yeux pour la regarder et/ou pleurer. Dure réalité. L’anarchie, c’est bien plus cool. Je suis du même avis (mais pas pour les mêmes raisons).

En septembre, on a eu la chance d’avoir l’avis d’un pédopsychiatre français, Stéphane Clerget, (sorti d’on ne sait où de nouveau le gentil monsieur) sur l’enseignement. Un pédopsychiatre qui nous assène gaiement qu’il y a « trop de femmes dans l’enseignement ». C’est un danger pour les petits-garçons. Des petits-garçons qui vivent de plus en plus seuls avec leurs mères…puisque les juges les favorisent. (discours masculiniste inside).  Donc ces pauvres petiots mâles ne sont entourés que de femmes. Des femmes à la maison, des femmes à l’école, des femmes à la cantine, des femmes au supermarché, etc. Ils n’ont aucun homme auquel se référer. Or, ils ont besoin de référent masculin. Et donc, la conséquence est toute trouvée, c’est un danger pour la société humaine, car c’est la raison pour laquelle les petits garçons ratent à l’école. Bien sûr. Ils ont « du mal à s’identifier à des sujets supposés savoirs féminins ». Bien sûr. D’abord, on ne sait pas d’où sort cette conclusion. Est-ce qu’il a fait des études, avec combien d’enfants, quel type de questions, etc. Aucune réflexion non plus à la question du pourquoi un garçon aurait du mal à croire qu’une femme peut « savoir » ?

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Il est rejoint dans son délire par David Cameron, Premier Ministre britannique, qui estime qu’il faut plus d’hommes dans les écoles pour y apporter plus « d’autorité ». Ah c’est bien ça. C’est un mode de pensée évolué. Aux hommes l’autorité, aux femmes la douceur et la gentillesse ?  Et puis quoi, aux hommes l’intelligence et aux femmes la naïveté ? Qu’elles restent dans leur cuisine à faire des tartes, au lieu de se laisser marcher sur les pieds par des enfants. Mon petit David, je ne sais pas comment ça se passait chez toi, mais chez moi, c’est ma mère qui avait le plus d'autorité. Tu vois, pour prendre une métaphore que tu apprécieras, celle d’un film policier, elle jouait le méchant flic, et mon père le gentil flic.

Mais bref, tout ça, c’est à cause des femmes. On assiste à une vraie colonisation. Les femmes prennent le travail des hommes. Et c’est dangereux pour vos petits garçons. Vous vous rendez compte. Les hommes sont presque dis-cri-mi-nés. Plus sérieusement. Il n’y a aucune discrimination dans l’enseignement. Il y a des hommes qui enseignent, et qui le font très bien (et autre chose que la gym). Il y a juste moins d’hommes qui choisissent cette voie. Mais un homme qui se lance dans cette voie a autant de chance qu’une femme d’y travailler. Donc, on ne discrimine pas les hommes. Et s’il y a plus de femmes dans l’enseignement, est-ce que ce ne serait pas parce qu’on a toujours considéré que c’est aux femmes de s’occuper des gosses ? Donc de leur éducation ? Est-ce que ce ne serait pas ce mode de pensée là qui n’encourage pas les hommes à se lancer dans ce genre de métier ? Pire, les postes de direction et d’inspection sont majoritairement masculins. Les hommes sont donc aux postes-clés (mais qui ne demandent que peu de contacts avec les enfants comparés à la vie d’une enseignante).

Loin de moi l’idée de vouloir accorder le moindre crédit aux idées bizarres de ce type, mais je rajouterais que si c’est grave pour les garçons, pourquoi cela ne le serait-il pas pour les petites filles ? Donc un garçon, ça ne peut pas vivre sans père ou sans référent masculin, c’est dan-ge-reux. Mais les petites filles, on s’en fout. Pas besoin de père ou d’homme dans la construction des fillettes. Entourées de femmes, elles apprendront encore mieux à bien cuisiner et à coudre. Je suppose.

En août, c’est le début de la fin d’une grosse foire. Pas aux bestiaux (enfin presque) mais médiatique. DSK (pas besoin de vous le présenter) s’exprime devant les caméras de télévision.  Il dit devant la France entière : « Ce qu’il s’est passé, c’est une relation non seulement inappropriée mais plus que ça…une faute ». Une faute. Je sais que Claire Chazal était l’amie d’Anne Sinclair (elle était là pour ça après tout), mais il y avait de quoi lui demandé, quelle faute non ? Est-ce tromper sa femme ? Ou en violer une autre ? Bizarre quand même ce mot dans la bouche d’un homme qui trompe sa femme à l’envi et n’a pas l’air d’en ressentir le moindre remord. Alors oui, d’accord, tromper sa femme, cela relève de la vie privée (et encore un homme publique, quelqu’un pour qui on vote, a-t-il une vie privée ?). Sauf que dans le cas de l’affaire DSK, on parle d’un viol présumé. Oui, on parle. Pas on parlait. Parce qu’il y a encore une procédure au civil en cours. Parce que non, ce n’est pas avec au non-lieu pénal que DSK est innocenté, comme on a pu le lire et l’entendre dans de nombreux médias. Un non-lieu signifie qu’il n’y a pas assez de preuves pour aller devant une juridiction pénale. Donc, cela peut tout simplement signifier que DSK est un homme intelligent.

L’affaire DSK, une horreur dès fin mai dans le traitement par les médias, qui nous montre encore que la parole d’une femme, noire et pauvre de surcroit, ne vaut rien contre celle d’un homme riche et blanc. Ca semble presque cliché, mais dès le début, des doutes sur ce qu’elle dit sont exprimés. Ce qui m’avait fait dire qu’il ne fallait pas oublier qu’on parle d’un possible cas de viol. Vrai ou pas, ce n’est même pas ça l’important. Si on a un minimum d’empathie, elle ne devrait pas se tourner vers le coupable potentiel. Il faut attendre les enquêtes et ne pas s’exprimer sans rien savoir. Pourtant, viol ou pas viol, on a pu lire et entendre des termes comme « troussage de domestique » (élégant, le troussage ce n’est pas cette légende du Moyen Age ? Ça montre où on en est dans l’évolution des idées, où on a pu voir des débats sur France 2 avec uniquement des amis de DSK (qui le défendaient cela va sans dire, ils étaient là pour ça après tout), un Christophe Giltay sur RTL-TVI qui dès les premiers jours de l’affaire demande, en direct, de penser au PS français, à la famille de DSK, à ses enfants et à sa femme (et à Nafissatou Diallo, on n’y pense pas ? Cette femme a peut-être subi un viol mais bon, pensons donc au PS, c’est mieux). Sur toutes les chaines, on interview les « français de la rue » (et même des Belges tiens, magnifique) sur la thèse du complot, parce que c’est sûr, le micro-trottoir, c’est un grand moment de journalisme. Où on entend qu’une petite-amie de dealeur, ça ne peut pas se faire violer. Biens sûr que non. Ça veut juste de l’argent. En se basant sur quoi ? Des rentrées d’argent étranges (ne regardez pas mon compte en banque alors, vous en verrez des entrées étranges) et une traduction bancale d’un dialecte, sorti de tout son contexte. L’occasion pour moi de rappeler qu’une petite-amie de dealeur, qu’une dealeuse même ou une prostituée peut se faire violer. Bizarrement, un violeur, ça ne vous demande pas quel est votre métier avant. « Quoi, comment ça, dealeuse ? Ah mais non, ça ne le fait pas, Excusez-moi madame, relevez-vous, je vous en prie, bonne soirée et bonjour chez vous, j’ai changé d’avis ».

De toute façon, quand un seul média  en France ose vraiment critiquer DSK, je parle de Canal + bien sûr, il faut se poser des questions. Et ce n’est même pas fini. Récemment, on parle d’un DSK déprimé. Parce qu’il porte une barbe et marche en rue. Terrible. Je pense à tous les hommes que je connais qui portent une barbe. Je devrais peut-être leur envoyer du chocolat. Et Nafissatou Diallo, comment elle va ? Elle est déprimée ? On ne sait pas. Tout le monde s’en fout. Mais que DSK se balade avec la gueule du Père Noël sans sa Porsche, là c’est une triste histoire.





Une affaire révélatrice de comment notre société considère le viol aussi. On ne croit pas la victime. Est-ce que ce ne serait pas une prostituée, est-ce qu’elle n’aurait pas tenté de la séduire ? On parle d’un DSK « séducteur », alors qu’il est connu et reconnu qu’il harcèle les femmes quand même. Quand on commence à confondre séduire et harceler, où va-t-on ? C’est vrai qu’il doit être vraiment un très bon séducteur pour convaincre en sept minutes une femme qu’il ne connaît pas de lui faire une fellation. Chapeau bas. Même réflexion pour la manière dont on a traité Tristane Banon. Quant à la théorie du complot, ça ne tient pas la route. Sarkozy qui appelle la CIA pour piéger DSK, sérieusement ? Deux hommes qui se serrent dans les bras en sautillant dans les sous-sols du Sofitel. Magnifique preuve qui ne prouve rien. Si on devait compter toutes les fois où j’embrasse mes amies en sautillant... Ah oui mais moi je suis une femme, donc c’est normal. Quand ce sont deux hommes, c’est la preuve d’un complot.


En novembre, Susanne Graf, membre du Parti Pirate, un parti qui se veut alternatif et de gauche quand même, tout en prônant la démocratie directe, explique dans une interview : «  En politique, on cherche rarement des gens compréhensifs, prêts à faire des compromis, on cherche en général des gens qui savent polariser et dire leur opinion. Et ça, les hommes savent mieux le faire ». Et cela expliquerait pourquoi elle est la seule femme de son groupe. Mais la femme est définitivement un homme comme un autre (merci Marie) qui peut elle aussi véhiculer des clichés. Je suppose donc que dans son esprit, les gens compréhensifs et aptes à faire des compromis sont des femmes. Pour polariser (sic ?) et dire son opinion, les hommes sont meilleurs. Ah. Je ne sais pas ce que je fais, à part dire mon opinion sans arrêt sur ce blog. Et pas de soucis, je suis une femme. J’ai même l’impression que les femmes ont plus le courage de leurs opinions. Mieux. En Belgique, on sait très bien que celui qui a réussi un des plus gros compromis de notre histoire, c’est Elio Di Rupo. Un homme. Mais en politique, il ne faut pas savoir faire des compromis. Ça ne sert à rien. Et c’est du ressort des femmes en plus. Sans intérêt. Pareil pour la compréhension. Qu’on essaie de me faire discuter avec des masculinistes, on va voir jusqu’où je peux être compréhensive (on n’ira pas très loin). Et pourtant, je crois être une femme. Décidemment Mme Graf, vous êtes douée pour polariser vous aussi, dire qu’une caractéristique est propre à la femme ou à l’homme, c’est un peu vieillot. On n’a pas un gène du compromis et de la compréhension.  Une femme peut faire de la politique aussi bien qu’un homme. Voilà ce qu’il aurait été chouette d’entendre pour une fois.


http://regionales2010.slate.fr


Et en décembre, c’est celui que j’évoquais juste au-dessus qui a raté une occasion de se taire. Mon cher Elio. Quand tu dis à propos de Olivier Chastel, Ministre du budget, que tu lui as donné « une boîte de testostérone, pour qu’il ne nous fasse pas un budget de gonzesse », tu me déçois (non pas que ce soit rare d’être déçu par Elio, loin de là). Je ne sais pas ce qu’il m’a pris, j’étais pourtant fière d’avoir un Premier Ministre homosexuel, qui allait peut-être savoir ce que ça fait d’être discriminé ou stéréotypé. Mais non. De la testostérone, sérieusement ? Comme celle qu’on donne aux bœufs pour qu’ils grossissent ? 


http://www.julieharrisphotography.com




Donc en clair, Elio veut un budget de mecs, de vrais, un budget qui ne rigole pas comme celui des gonzesses hein (?). Pourquoi utiliser le mot « gonzesse », qui est assez insultant, il faut l’avouer ? Tu aimes quand on t’appelle « tapette » Elio ? C’est agréable ? C’est normal qu’on utilise ce genre de terme pour parler de toi ? Voilà ce que je ressens quand on me traite de « gonzesse ». C’est un mot péjoratif. J’ai un peu du mal à te suivre, tu sais que le budget a depuis toujours été fait par des hommes ? Et que ça ne nous a pas vraiment réussi. Alors sérieusement, peut-être que des gonzesses auraient pu apporter un peu d’ordre à tout ça, qui sait ? Mais en Belgique, c’est mal vu de laisser les sous-sous à Madame. Les femmes ministres souffrent du machisme en silence et se font traiter de tous les noms dans nos médias, de la « Madame Non », qui est incapable de gérer son métier et ses enfants pour Milquet, à la « tête de cheval » de Caroline Gennez, en passant par la corpulence de  Maggie de Block (dont personne n’a rien à faire, est-ce qu’on a mis en cause la corpulence de Dehaene dans le fiasco Dexia ?).

L’occasion aussi pour moi de vous souhaiter une bonne année 2012 sur Actufeministe, qui continuera à essayer de vous faire rire tout en vous faisant réfléchir. Merci pour les 12.913 visites de cette année, et les commentaires toujours intéressants.  Ouvrons encore le débat sur les questions de genre l’année prochaine.

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