dimanche 24 juin 2012

Sciences et filles

Une campagne de l'Union Européenne lancée le 21 juin dernier provoque la polémique. Souhaitant promouvoir la place des femmes dans les domaines scientifiques, le spot qui accompagne la campagne représente de manière caricaturale le quotidien des femmes scientifiques. Décryptage. 



D'abord rappelons que cette campagne est nécessaire. En effet, et ce n'est pas nouveau, les femmes sont sous-représentées dans les métiers scientifiques, en ne représentant qu'environ 30% des chercheurs en 2009. Les causes sont certainement multiples mais certains estiment qu'il ne faut pas sous-estimer le rôle de la représentation sociale, en se basant sur un test effectué sur des petites filles et des petits garçons. Lors du test, on demandait aux enfants de dessiner une même forme en présentant l'exercice soit comme un examen de géométrie, soit comme un examen de dessin. Les résultats furent surprenants. Si on présente l'exercice comme un test de géométrie, les garçons réussissent mieux, mais en présentant le même test comme étant du dessin, les filles réussissent mieux. Garçons comme filles ont donc déjà intégrés que la science, c'est pour les garçons, et l'artistique pour les filles.

Un autre constat : les femmes scientifiques n'échappent pas au phénomène du plafond de verre. Dans ce graphique par exemple, qui représente les scientifiques dans la population universitaire, on le voit clairement. :



En Belgique, elles sont presque 50% des étudiants et représentent encore pas mal des thésards avant de voir leur représentation baisser sensiblement, alors que c'est l'inverse pour les hommes.

Une campagne nécessaire donc pour casser le cliché d'une science réservée aux hommes. Mais pourquoi le faire en jouant sur d'autres clichés ?



 


Rose, hauts-talons et taille mannequin. C'est donc cela qu'il faut quand on est une femme et qu'on veut se lancer dans une carrière scientifique? A voir leur démarche, leurs petits pas de danse et leurs gloussements complices, on se sent soit sur un catwalk, soit en boîte, mais pas du tout dans un labo. Il faudrait rendre les sciences attrayantes et flashies pour intéresser les femmes. Nous ne pouvons donc pas nous intéresser à des sujets sérieux ? 

Une mini et des talons, est-ce l'équipement réglementaire ? Il faut montrer de la cuisse. Ce clip s'adresse aux femmes ou aux hommes ?  C'est vrai que nous, femmes, on aime toutes la mode et on se tuerait pour un petit pull en léopard. Est-il impossible d'imaginer une femme avec une blouse blanche ? Ou juste devant un microscope tiens, même si tout cela relève d'un autre cliché: celui du scientifique à lunettes. Un cliché qui n'est même pas épargné au seul homme du clip, mais qui est aussi le seul à se tenir devant un instrument scientifique. D'ailleurs, à voir son air sceptique quand il réajuste ses lunettes, lui non plus n'est pas convaincu.

http://www.topito.com/top-signesfac-science


Femmes, intéressez-vous aux sciences, vous y apprendrez à faire du maquillage et comme ça vous pourrez masquer vos boutons. Ou vos cernes. Fin bref, vous serez encore plus jolies quoi ! Et tant pis pour le SIDA ou le cancer du sein. C'est bien moins important qu'un nouveau fond de teint.

Oh tiens, on échappe même pas à la fausse surprise et à la  bouche ouverte. Cool.

Les réactions de femmes scientifiques se sentant insultées par la campagne ne se sont pas faites attendre. Ici, celle de l'astronome Meghan Gray qui parle de son quotidien de scientifique en comparaison avec cette campagne.


La campagne s'adresse spécifiquement aux jeunes femmes de 13 à 17 ans puisque c'est à cet âge que l'on choisit son futur métier. Cette vision bien caricaturale de ce qui intéresse nos adolescentes, on l'a doit à une boîte de marketing, Emakina, qui n'est pas étrangère au mauvais goût prononcé. En 2007, ils ont été condamné pour une campagne intitulée "Rent a wife" ("Louez une femme"). La vidéo a été retirée du site de l'UE suite au tollé général provoqué. Étonnant ?




vendredi 15 juin 2012

Toutes en Jup' cet été !

C'est l'été. Au menu : à boire et à manger, une boisson infecte et de la malbouffe, qu'on essaie de nous vendre en surfant sur les clichés. Miam(i). 


Avec le retour des beaux jours (en Belgique, ça veut dire que tu sors tes bottes en caoutchouc au lieux de tes Moonboots), on n'en pouvait déjà plus des "Perdez trente kilos avant la plage", "Sculptez-vous un corps de sirène", "Moi, en mieux ! " (ce qui, vu la photo, veut dire "moi anorexique"). Deux nouvelles pubs ont récemment fleuri dans nos rues. Elles ne s'adressent pas aux femmes, mais à Jean-Charles, homme blanc de 30 ans, qui pense que la vie, c'est comme dans les pornos. 


Avec Jupiler, les hommes savent pourquoi. Ils pourront donc peut-être m'expliquer ce qu'est un vrai dur. Mais surtout ce qu'est un faux dur. Bon c'est vrai, l'image nous permet de deviner. Le vrai dur est musclé. Vraiment musclé hein, du genre à avoir tellement travaillé les épaules qu'on ne peut plus distinguer son cou.  Le vrai dur, il ne décapsule pas sa canette avec les mains, quelle idée. C'est avec ses dents bien sûr qu'il ouvre sa canette. Le vrai dur d'ailleurs ne contrôle pas sa force. C'est tout le dessus de sa canette qu'il arrache violemment, provoquant une véritable éjaculation du produit. Pratique. J'imagine bien la scène dans le tram.

 Le vrai dur est donc un vrai violent, on s'en doute.


Ouch. C'est parce que la boisson s'appelle "Force" qu'ils en rajoutent six couches ? Déjà que leur bière n'est pas des plus réussies, je me demande si Jupiler a raison de s'essayer à nous vendre une boisson qui goûte la bière... mais n'est pas de la bière. Une hérésie en somme. La cible est l'homme de 30 ans minimum nous apprend-t-on, j'avais donc raison en imaginant Jean-Charles devant cette affiche qui doit se dire qu'arracher le dessus de sa canette, c'est quand même une belle performance. Du moment qu'il ne confond pas la canette avec sa copine, on est sauvé.

Autre pub, autre univers pour Jean-Charles, les publicités Quick nous vendant deux hamburgers.



Ça donne faim. Félicitons d'abord les publicitaires pour leur recherche créative ou le "-Imagine:  quatre meufs en maillots rouge, pour la référence à Alerte à Malibu tu vois, qui portent un hamburger géant (?) en souriant aux passants, génial non ?  -Ecoute Bruno, je suis pas contre, les trucs bien misogynes, j'aime ça tu sais bien mais ils nous ont commandé deux affiches différentes. -C'est rien, on les colorie en bleu, on change la couleur du fond et puis voilà. -Bravo Bruno, voici ton chèque de 30.000 euros".

C'est vrai qu'il ne fait pas beau en Belgique, jouer sur Miami Bitch (ah non pardon, Beach, autant pour moi), bien vu.

L'histoire ne dit pas: 1) Pourquoi elles transportent cet hamburger sur une planche de surf géant ? 2) A qui est-ce qu'elles l'apportent ? Au géant Gulliver qui s'est perdu à Miami ? 3) Pourquoi ils n'ont pas engagé un mec qui sait travailler sur Photoshop? Parce que le découpage de cuisses à l'arrache, non. Juste non. Qu'on laisse les cuisses comme elles sont. Et je ne parle même pas des fausses robes, qui s'avèrent être, quand on y regarde d'un peu plus près, de simples coloriages de bleu que, même moi, j'aurais pu faire. Joli effort aussi de la rhabiller un  peu, mais bon faut pas abuser, ils en ont quand même garder deux en maillot. Un peu de sérieux. Des maillots bien moulants et des hamburgers bien gras, le bonheur de Jean-Charles.

Les mecs boivent une boisson qui s'appellent Force, les femmes servent à porter un hamburger, que non elles ne mangent pas, quelle idée, comment entrer dans son maillot après. Ça fait un peu penser aux esclaves qui transportent les riches colons dans les colonies. Tout un programme.

http://users.skynet.be/aloube/colonial.htm

"Au point que certains médias perdent tout sens commun en posant l'affolante question : comment réussir à entrer dans son maillot d'ici l'été? [...] N'importe qui peut y arriver rapidement. En mettant une jambe dans chacun des espaces prévus à cet effet. Une méthode infaillible qui convient à toutes les tailles et à tous les modèles" (Anne Pochet dans Victoire, supplément du journal Le Soir)