jeudi 9 juin 2011

Les féministes ne militent pas (toujours) au lit

Deux neuroscientifiques, Ogi Ogas et Sai Gaddam, ont récemment publié un livre accusant le féminisme de décimer la libido des femmes. Les femmes ne seraient pas épanouies sexuellement à cause de leur volonté d’être considérées l’égale des hommes. Pendant ce temps, en France, l’association Osez le féminisme lance une campagne d’information « Osez le Clito », afin de justement parler du plaisir sexuel féminin. Polémique.




@http://gaygraffiti.free.fr/


A Billion Wicked Thoughts: What The World's Largest Experiment Reveals About Human Desire. Voilà le titre du livre par lequel la polémique est arrivée. Les deux auteurs y analysent les différences entre les cerveaux des femmes et des hommes, entre les choses qu’ils considèrent comme érotiques et ce qu’ils cherchent sur Internet. Une de leur conclusion est que toutes les femmes aiment être dominées. Et donc que le féminisme, qui lutte contre la domination des hommes sur les femmes, les empêche de s’épanouir sexuellement. Ogi Ogas explique que "si une chef d'entreprise tente d'approcher le sexe avec les mêmes attitudes que celles qu'elle adopte au travail, ce sera difficile pour elle d'éprouver du désir".



Donner des ordres à son mari



Mais voilà, jamais aucune féministe ne demandera à une chef d’entreprise de donner des ordres à son mari comme elle le fait à ses employés. Il y a une différence notable, et heureusement, entre vie privée et vie publique. Le mouvement féministe cherche à lutter contre les discriminations, les dominations (d’un sexe sur un autre, d’un genre sur un autre, ou d’une orientation sexuelle sur une autre) et veut amener l’égalité hommes-femmes (ou femmes-hommes). Mais pas dans la chambre à coucher. Peu importe qu’une femme ou un homme soit adepte du nursing. Peu importe que madame préfère le missionnaire et monsieur, le 69. Chacun est libre de faire ce qu’il veut derrière la porte de sa chambre à coucher pour autant que les deux (ou trois ou quatre ou plus) personnes soient consentantes. Le féminisme ne s’y intéresse pas. Il y a d’autres combats autrement plus importants. Ce que cherchent les féministes, c’est l’égalité entre hommes et femmes dans la vie publique, familiale ou sociale. S’il s’intéresse à la vie sexuelle, c’est pour rappeler que madame a elle aussi droit au plaisir, peu importe comment elle le prend.




Le plaisir sexuel féminin




Les féministes ont cherché à libérer le plaisir sexuel féminin. Elles ont les premières demandé à ce que l’on en parle plus. Une démarche encore d’actualité, puisque l’association Osez le féminisme lance « Osez le clito ». Vouloir les taxer d’être nuisibles à la libido féminine est assez contradictoire. A moins que les femmes aiment être dominées et ne pas avoir de plaisir pendant un rapport sexuel ? Leur étude ne le dit pas (sic).











Le féminisme est souvent taxé de conservatisme parce qu’il critique la pornographie, la prostitution ou l’utilisation du corps des femmes dans la publicité. Ce qui est encore un droit. Si on ne peut accepter cela, plus personne ne pourra rien critiquer. Il ne critique pas les consommateurs ou consommatrices. Il critique, par exemple, les images pornographiques et ce qu’elles véhiculent. Ce qui est important, c’est qu’il ne s’agit jamais de critiquer ce que les gens décident de faire dans leur chambre (et qui est souvent très éloigné de ce que l’on voit dans le porno).





@http://feministes-et-fieres.forumsactifs.com/



Toutes les femmes aiment être dominées, tous les hommes aiment dominer



De plus, affirmer que toutes les femmes désirent être dominées peut sembler très réducteur. En effet, il existe des femmes dominatrices, notamment dans le sadomasochisme. Certains hommes adorent la position « en amazone » dans laquelle on peut considérer la femme comme dominante et l’homme comme dominé. Peut-être qu’une femme aime être dominée un jour, et dominer un autre jour. Faire de grands principes en ce qui concerne la sexualité humaine est toujours délicat. Surtout quand il s’agit de différencier radicalement, voire d'opposer hommes et femmes (ce qui rappelle un de mes précédents articles).





@http://www.20minutes.fr/




D’ailleurs beaucoup souligne que le livre n’a rien de scientifique. D’abord, les enquêtes se sont faites par Internet, sur base de choix multiples. On a connu mieux en termes de rigueur, pour un livre qui prétend analyser les différences entre le cerveau masculin et féminin au niveau de la sexualité. Plusieurs personnes ayant participé à l’étude ont également avoué que les questions étaient pour la plupart tendancieuses. De plus, le livre propagerait des idées homophobes et anti-bisexualité.




On peut se demander quel est l’intérêt d’un tel livre ? Peut-être chercher à un peu plus décrédibiliser le féminisme, dont manifestement les auteurs ne connaissent pas grand-chose, pour faire parler d’eux et gagner pas mal d’argent. Une polémique vaine alors que l’affaire DSK nous a rappelé qu’il y a des combats beaucoup plus importants à mener. Pourquoi chercher à toujours comparer hommes et femmes dans leur recherche du plaisir, sous des discours pseudo-scientifiques ? Ne pourrait-on faire faire un étude sérieuse sur le plaisir féminin et une autre sur le plaisir masculin, en montrant la variété des comportements possibles ? Parce qu'essayer de faire des cases qui disent "voilà un homme", "voilà une femme est extrêmement réducteur"



@http://alain38.rmc.fr/




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