lundi 6 juin 2011

De l’obligation de maternité

En Belgique, une femme qui ne veut pas d’enfants est jugée et marginalisée. Et pourtant, c’est son droit le plus personnel. Dans les pays qu’on appelle en développement, une femme n’a pas d’autre choix que d’enfanter. Au mépris de sa vie ou de ses envies. Deux poids, deux mesures dénoncés par des parlementaires aux membres du G8.










« C’est dans tes gênes », « tu verras, quand ton horloge biologique va tourner », « mais tu es encore jeune, tu verras plus tard », « une femme ne peut être accomplie qu’avec un enfant », « c’est égoïste de ne pas vouloir d’enfants »… Il faut bien le constater, en tant que femme qui ne veut pas d’enfants, je ne suis pas écoutée. Les gens estiment qu’ils ont le droit de me décréter trop jeune pour avoir un avis. Ou de me dire que j’en aurais, quoi que j’en pense. Je dois me justifier tous les jours pour ce choix. Lorsque je suis confrontée à ce genre de phrases, le plus souvent récitées sur un air hautain, l’énervement n’est jamais loin. J‘en viens même à penser que les femmes qui ne veulent pas d’enfants dérangent, parce qu’elles forcent celles et ceux qui en veulent à réfléchir sur leurs motivations. Faites le test. Demandez aux femmes et aux hommes de votre entourage pourquoi ils ont fait, ou veulent faire, des enfants. Ils seront pour la plupart gênés. Les vraies « raisons » manquent. Parce qu’ils en veulent, un point c’est tout. Ils n’y ont pas vraiment pensé. S’ils y ont pensé, c’est plutôt en termes techniques (Est-ce que c’est le bon moment pour nous ? Avons-nous les moyens économiques d’accueillir un enfant ?...). Mais pas « pourquoi faire un enfant » ? Est-ce qu’on veut former une famille ? Pourquoi vouloir absolument fonder une famille ? Parce que cela rend heureux ? Est-ce qu’il n’arrive pas des occasions où l’on se sent plus heureux avec ses amis qu’avec sa famille ? Est-ce qu’il n’existe pas des familles problématiques, dans lesquelles le conflit est quotidien ?







Le fait est que ces femmes qui veulent des enfants n’ont pas à se justifier, alors que je dois continuellement justifier ma décision. De même, les hommes n’ont jamais à justifier leur envie ou non envie d’enfants. Au contraire, un homme qui dit qu’il ne veut pas d’enfants sera plus facilement valorisé (« tu as bien raison »). Mon copain, qui n’en veut pas non plus, ne reçoit aucunes remarques. Mais moi, je vais obligatoirement le regretter. Peu importe mon avis. Les enfants seraient donc nécessaires à l’accomplissement des femmes, mais pas à celui des hommes ? Il faut peut-être rappeler que si la femme porte l'enfant, un bébé se conçoit à deux.








Pas un besoin biologique






Pourtant, c’est la société qui conditionne les gens à avoir envie d’enfants. Ce n’est pas un besoin biologique. Nous avons besoin de faire l’amour, de nous lier à l’autre. L’être humain est un être social, il ne peut vivre seul. Mais il n’a pas un besoin absolu de procréer. Il peut le faire. Ce serait comme affirmer que les abeilles veulent créer de nouvelles fleurs quand elles butinent. Ce n’est que la conséquence de leurs actes. Quand elles se nourrissent, elles emportent du pollen, mais sans le faire exprès. Par contre, la société nous donne des rôles, la femme est une mère. Si la femme n’a pas d’enfants, elle n’est pas heureuse. Dans les contes de fées, les femmes ne sont rien tant qu’elles n’ont pas rencontré leur prince. Ensuite, elles se marient et ont beaucoup d’enfants. Et sont heureuses. Obligatoirement.


















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En plus de cette « obligation d’enfants », il faut bien constater que les mères sont extrêmement jugées dans notre société. Si vous ne faites pas d’enfants, vous n’êtes pas une femme. Mais si vous en faites, vous avez intérêt à assurer. Il faudra aller à toutes les réunions de parents d’élèves. Il faudra cuisiner frais tous les jours. Il faudra être une mère parfaite. Et ne jamais s’énerver. On en vient même à essayer d'interdire la fessée.








Nous sommes à l’époque de l’enfant-roi. Il faut répondre à tous ses caprices, il faut écouter toutes ses plaintes, l’enfant est innocent et pur. Une manière de voir la maternité et l’enfant qui est très récente. Au siècle dernier, on envoyait les enfants au travail le plus tôt possible. Il n’y avait pas d’écoles (ou la formation était vraiment courte). A six ans, les enfants travaillaient dans les champs de leurs parents. A 16 ans, on les envoyait dans les mines ou construire des lignes de chemins de fer. Les femmes plus riches se payaient une nourrice, des professeurs particuliers et des cuisiniers et ne voyaient pas leurs enfants de la journée. Je ne dis pas que c’était mieux mais que le modèle de l’enfant-roi est bien lié à notre société contemporaine.








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Aujourd’hui, une femme qui commet un infanticide est « une salope » ou « une mauvaise mère ». Elles sont jugées très durement. J’y vois une contradiction fondamentale. Une femme qui exprime son non-désir d’enfants est jugée et mal vue. Elle ne sera pas écoutée et on voudra lui faire dire que oui, au fond d’elle, peut-être qu’elle en veut. Qu’elle en fasse pour ne pas le regretter. Et si en fait, elle n’en voulait vraiment pas. Et qu’elle tue son enfant. Est-ce que c’est parce que c’est une mauvaise mère ? Et si c’était plutôt une femme à bout, qui commet un acte horrible, parfois poussée par la société.






Egoïsme




« C’est égoïste de ne pas vouloir d’enfants », « tu feras comment quand tu seras vieille », « il faut bien faire survivre l’espèce ». Peut-être qu’il est égoïste de faire des enfants. Quand on ne pense pas pouvoir se suffire à soi-même. Quand on estime avoir besoin d’un enfant, qui n’a rien demandé, pour être accomplie. Quand on ne veut pas être seul quand on sera vieux. Quand on estime qu’il faut encore peupler la planète, avec ses propres enfants, et tant pis pour les enfants qui crèvent de faim tous les jours. Dommages collatéraux de nos petits rêves de vie parfaite, le mariage, le chien, le 4X4 et les deux enfants, un garçon, une fille. Pas de l’égoïsme ? Libre aux gens de choisir, mais qu'on ne critique pas mon choix en le qualifiant d'égoïsme.





Des études ont montré que, d’ici la fin du siècle, nous serons 10 milliards d’êtres humains si rien ne change. Un chiffre à faire tourner la tête. Comment assurer une vie décente à 10 milliards d’êtres humains ? On ne le peut déjà pas pour un peu plus de 6 milliards. D’ailleurs, plus on sera nombreux, plus la croissance démographique va augmenter. De quoi vraiment s’inquiéter.







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Négliger les jeunes filles du tiers-monde




C’est dans les pays du tiers-monde, dit en développement (parce qu’ils ne sont pas comme nos pays, comme si nous étions des exemples parfaits de développement), que les espoirs se tournent. Des pays qu’on appelle aussi « pays à fertilité élevée » (surtout en Afrique) dans lesquels les taux de natalité n’ont pas baissé. 600 millions d’adolescentes n’ont pas accès à la scolarisation (qui retarde le mariage et diminue le nombre d’enfants) et aux plannings familiaux dans ces pays. Là-bas, on se marie jeune. Et on fait beaucoup d’enfants. Le poids de la tradition, de la religion et du jugement est encore pire qu’ici. L’accès à la contraception est très compliqué. Là où ils n’y a pas d’aide sociale, les enfants sont l’assurance d’être aidé lors de la retraite ou en cas de chômage. N’oublions pas non plus que la mortalité infantile est élevée, mais aussi la mortalité des mères, après ou pendant l’accouchement.







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Alors, une soixantaine de parlementaires du monde entier alertent les dirigeants du G8 et du G20. Il faut cesser de négliger ces jeunes filles. Il faut créer des infrastructures, des campagnes d’information… afin de donner aux filles le choix de faire ce qu’elles veulent de leur vie, de leur corps. Mais pour cela, il faut de l’argent et de la motivation.






La politique de l'enfant-unique, une solution ?





La politique de l’enfant unique en Chine l'a bien montré. Quand on légifère sur ces questions, cela fonctionne : le taux de natalité a énormément baissé. Ils ont réussi à freiner la démographie. Mais il ne faut pas oublier les désavantages d'une telle législation : avortement forcé, fillettes abandonnées ou tuées, rapt de petits garçons…









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Légiférer sur la natalité, de la forcer ou de l'empêcher n'est donc pas la solution. Il est par contre important d’avoir le choix, la possibilité de décider d’avoir des enfants, ou pas. J’ai beaucoup de chances de vivre ici. J’ai l’opportunité de savoir que je n’aurais pas d’enfants. Ce n'est pas que je ferais une mauvaise mère. Au contraire, je pense pouvoir être une très bonne mère. C'est juste que je ne le veux pas. Et comme je ne suis pas un utérus sur pattes, je pense en avoir le droit. Si la plupart de gens ne m'en croient pas capable, je sais que 600 millions d’autres filles n’ont pas le choix aujourd'hui.






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