dimanche 5 février 2012

Dur dur d’être infidèle

Polémique autour des affiches promotionnelles du film français "Les Infidèles", censurées par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité car présentant "une image dégradante de la femme". Certains s’insurgent donc. Cette censure serait abusive. Analyse.


http://www.lunettesde.com/

http://www.francesoir.fr/

Première remarque : où sont les visages féminins ? Si les corps sont plus que mis en évidence dans au moins deux de ces affiches (merci photoshop en passant), le visage est le grand absent. C'est vrai, le visage ce n'est pas important. Du tout. N'importe qui peut vivre sans tête. Ce n'est pas comme si la tête et le visage étaient le siège des émotions. Ou du cerveau. Il faut croire que ce n'est pas ça, l'important. 

Dans ces affiches, le problème, ce n'est pas de voir deux jambes. Je n'ai franchement rien contre les jupes, j'en porte tous les jours. Le problème, c'est de voir deux jambes comme ça. Sans corps, tenues comme un vulgaire balais. Comme deux choses. Le problème, ce n'est pas de voir une fellation. Je n'ai franchement rien contre les fellations. Le problème, c'est de mimer une fellation et de la placarder en format A1 dans un espace public, la rue. 

On l'a bien compris, l'infidélité masculine, c'est chouette. C'est l'éclate. Mentir à sa femme, c'est chouette, c'est l'éclate. Et traiter les femmes comme des objets, c'est chouette. 



C'est l'éclate. 

Ils sont bien habillés, souriant, presque sympathiques. On peut aussi remarquer que les affiches mettent en scène deux hommes en costume et des femmes en parfaites secrétaires. Dans le monde du travail, comme ailleurs, la femme est encore et toujours "en-dessous". 


Le film n'est pas encore sorti, je vous l'accorde. Cependant, il suffit de voir les bandes-annonces :








(Moi en tout cas j'ai compris que je ne risquais pas d'aller le voir au cinéma, donner de l'argent à des films comme ça, non merci, je risque plutôt de le télécharger illégalement sur un de nombreux sites qui remplacent Megaupload, pour rire "un bon coup" -bonjour les agents du FBI si vous passez par ici- ).

On présente le film comme différentes séquences humoristiques sur l'infidélité masculine. Ce qu'on oublie de dire, c'est quelle image de la femme y est présentée. Les femmes n'ont pas d'autres choix dans la vie que cette alternative :  mère ou pute, mariées pigeonnées ou maîtresses pigeonnées. La femme qu'on désire est une pute, la femme mariée (est-ce qu'on peut la désirer? ), une gentille idiote à qui on peut raconter n'importe quoi. L'image des hommes n'y est pas soignée non plus. Infidèles, incapables de contrôler leurs pulsions (ou leur pénis), éternels adolescents farceurs qui ne peuvent considérer les femmes que comme des oiseaux sans têtes. A vomir.  N'oublions pas non plus l'infidélité féminine. Oui oui je vous assure. Une femme peut avoir des désirs sexuels. Parfois vers d'autres personnes que son mari (vous tenez le coup?). On ne peut pas en rire ? C'est moins l'éclate ? C'est tabou ? On dirait. 

Ce n'est pas l'infidélité, ou la fellation, ou les jambes nues qu'il faut dénoncer. Ce qu'il faut dénoncer, c'est ce que sous-entendent ces affiches.Ce qu'il faut dénoncer, c'est une vision réductrice et fausse. On peut rire de l'infidélité, mais on peut aussi y réfléchir et apporter une réflexion critique. Il faut espérer que cela sera le cas dans ce film, au risque de rester sur l'image de deux hommes se moquant de la possibilité de ne pas tromper leur femme.


http://www.crise-economique.net/




Censure ou pas censure, je ne suis pas certaine que la question se trouve là. Je ne suis même pas sûre qu'il fallait censurer. Le simple fait qu'il existe une polémique, qu'il y ait des "pour" et des "contre" et que l'on réfléchisse sur cette affiche me suffit amplement. Il y a peut-être quelques années, une telle affiche serait passée sans créer un débat de société.

Je vous laisse réfléchir sur ce que m'a dit une publicitaire qui travaille au JEP et que j'ai interviewé récemment : "Quand on décide de censurer une campagne de publicité, ça ne sert parfois à rien car elle est alors reprise par tous les médias et montrée à tout le monde. Parfois, certains publicitaires comptent là-dessus pour créer le buzz. Pour eux, que la publicité plaise ou pas, ce n'est pas l'important, il faut qu'elle soit vue".

A lire :

http://www.huffingtonpost.fr/eliette-abecassis/les-infideles-ou-les-infe_b_1252089.html?ref=fr-culture

http://m.marianne2.fr/Affiche-des-Infideles-pas-de-quoi-en-faire-toute-une-pipe-_a215163.html

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