vendredi 8 juillet 2011

Osez le clito, chronique d’une campagne décriée

Le mouvement français Osez Le féminisme a lancé, début mai, une campagne internet et d’affichage sur la question du clitoris. Une campagne qui ne fait pas l’unanimité, même chez les défenseurs du féminisme. Pourquoi ?







Constatant que « l’intimité reste un lieu de pouvoir masculin » et qu’ « il est fondamental que chaque femme ait les moyens de connaître ce qui fait vibrer son propre corps », Osez le Féminisme a décidé de lancer « Osez le clito », pour parler de cet organe méconnu, ou mal connu, encore souvent objet de négation ou de mutilation. La campagne se veut informative. Il s’agit de faire parler du clitoris.




Un objectif louable. Sauf que la campagne a entrainée de nombreuses réactions choquées, voire outrées. Ce que j’ai du mal à comprendre.







Une affiche moche






D’abord, beaucoup critiquent l’affiche. Elle ferait peur. Elle serait moche. Nos pauvres enfants passeront devant et seront choqués. Cette affiche serait pire que de la pornographie (ben tiens, il sert là le prétexte pornographique). Cela les inciterait à tenter de faire « des choses » avec leurs petites voisines. A se passer la photo par téléphone portable (eum, on n’a aucune raison de se faire passer par téléphone portable une photo que l’on voit à tous les coins de rue, si vous voulez mon avis). Bien sûr. Et c’est le féminisme qu’on taxera de conservatisme et de moralisme. Il faudrait savoir. Au final, les « p’tits gars », les pauvres, auront du mal à respecter le clitoris, vu qu’il est si moche sur cette affiche. C’est étrange comme, dans ces critiques, on ne parle pas des jeunes filles, de leurs réactions. Et si elles pouvaient voir leur sexe autrement. Et si elles pouvaient grandir en sachant qu’elles ont un clitoris, ce qui n’a pas été mon cas par exemple.






« Nos » enfants grandissent devant des publicités de plus en plus suggestives, avec des femmes photoshopées, aux corps toujours pareils. «Nos» enfants regardent des clips de plus en plus recherchés. « Nos » enfants grandissent dans une société où la pornographie est de plus en plus accessible, et de pire en pire . « Nos » enfants ne sont pas éduqués sexuellement. Moi, c’est ça qui me fait peur. Comment respecter le corps féminin, avec toutes ses imperfections, avec toutes ses complexités, après avoir été inondé d’images pareilles. La preuve, les principales critiques disent en substance que l’affiche est peu esthétique. Comme si tout dans notre corps devait l’être. Vous trouvez un pénis esthétique vous ? Est-ce que la campagne dit que le clitoris est esthétique ? Est-ce que c’est cela l’important ? Est-ce qu’il n’y a que des choses « esthétiques » affichées sur nos murs ? On détourne le débat. Et puis, l’esthétique, le beau, c’est très subjectif. Je ne trouve pas cette affiche moche, ou choquante. Je suis sûre qu’on pourra en trouver d’autres qui pensent comme moi.






Si des enfants (et quelques adultes tiens, ça ne leur ferait pas de mal) passent devant cette affiche et se posent des questions (qu’est-ce que c’est ? A quoi, ça sert ? Instigateur de quel plaisir ? ), vous ne croyez pas que c’est déjà (un peu) gagné ?














Un clitoris monstrueux








Le clitoris de l'affiche serait « monstrueux, démesuré, comploteur » (qu’on m’explique comment un organe peut être « comploteur »). C’est peut-être parce que c’est comme cela qu’on le considère dans la vie de tous les jours. Ne projette-on pas nos définitions du clitoris sur cette affiche ? Oui, c’est un gros plan. Oui, le clitoris est grand. C’est normal, puisque la campagne parle du clitoris, qu’il s’agit de le mettre en avant. D’en parler. Quand il s’agit de mettre en avant les seins, ou les fesses, d’une bimbo siliconée pour vendre un écran plat, personne n’y trouve rien à redire. Pareil quand on utilise le pénis comme moyen de vendre. Mais on s’offusque devant un dessin « mal dessiné ».






Oui, on peut trouver le clitoris beau. Mais vu qu’un dessin choque déjà pas mal de personnes, vous ne croyez pas que l’image d’un vrai clitoris en gros plan, placardé dans les rues, en aurait fait bondir plus d’un aussi. Moi je suis pour, pas de problème. Je n’ai pas peur du clitoris, mal dessiné ou pas. De plus, le dessin n'est pas si éloigné que ça de la représention d'un vrai clitoris.








Excision = circoncision ?






La campagne « Osez le clito » met aussi en avant le problème de l’excision. Et là, les critiques se font obscènes. On en vient à comparer l’excision à la circoncision. Excision et circoncision seraient pareilles. Toutes deux des mutilations sexuelles pour cause de religion. Bon d’abord, rappelons que la circoncision est souvent, de nos jours, pratiquée pour des raisons hygiéniques ou médicales (des problèmes pour décalotter le pénis, par exemple). Ce n’est pas le cas de l’excision. La circoncision, une fois bien guérie, n’empêche aucunement le plaisir sexuel. Ce n’est pas le cas de l’excision. Aujourd’hui, la circoncision se fait surtout de manière volontaire, et dans des conditions d’hygiène plus que respectées. Vous pouvez aller à l’hôpital pour vous faire circoncire, messieurs. Mon copain l’a fait pour raisons médicales et est très content (et moi aussi). Il ne se sent pas « mutilé » pour autant. Je ne peux pas aller à l’hôpital pour me faire exciser. D’ailleurs qui le voudrait ? L’excision est interdite en Belgique, comme en France, où elle peut valoir jusqu’à 10 ans de prison. Ce n’est pas le cas pour la circoncision.






L’excision est la négation du plaisir féminin. On pense qu’une femme, pour être vertueuse, pour rester fidèle, pour être une bonne mère, etc. ne doit pas ressentir du plaisir. Il n’y a aucun sous-entendu de ce genre dans la circoncision. Dire que circoncision et excision sont pareilles, c’est nier une réalité, celles des jeunes enfants qui se font retirer de force leur clitoris, sans comprendre ce qu’il se passe, et pas à l’hôpital (à ce sujet, je vous conseille le film Fleur du Désert).







Ordre






« Osez le clito », le titre de la campagne sonnerait comme un ordre. Quand au XXIème siècle, on en vient à confondre excision et circoncision, peut-être qu’il est temps d’ « ordonner » aux gens de s’y intéresser ? On ne s’indigne pas quand la publicité nous donne des ordres de consommation. Soyez beau, consommez, consommez, soyez heureux, consommez. Osez le clito. Ou pas. Parce que soyons sérieux, il n’y a pas des hordes de féministes qui vont se balader dans les rues et rentrer chez vous pour vérifier ce que vous faites de votre temps libre. Ce titre sonne plus comme un conseil pour moi. Mettez de la crème solaire 10 minutes avant de vous exposer. Pour votre santé, mangez 5 fruits et légumes par jour. Ou pas. Qui vérifie ? Pourtant, c’est sûr, c’est mieux de le faire.











@http://lewebpedagogique.com/





Méconnaissance de mon corps






Cette affiche exprimerait « l’inconscient du féminisme radical ». Le dégoût du féminin. On transformerait le clitoris en phallus. C’est beau, comme phrase. Ca sonne bien. Sauf que c’est du vent. Non, le clitoris n’est pas un phallus, c’est évident. Si vous voyez dans cette affiche un phallus, c’est que vous n’avez pas vraiment dû en voir beaucoup dans votre vie ou que vous connaissez mal votre corps, et c’est triste. Non, le féminisme, même radical, n’est pas dégoûté par le féminin. La campagne tout entière est orientée vers le plaisir féminin, vers le plaisir de la femme. Et ça ne fait pas de mal. Parce que moi, par exemple, j’ai très longtemps fait l’amour sans m’intéresser à mon clitoris. Et je n’avais pas d’orgasme. Ca me faisait même mal parfois. Je me demandais si j’étais normale. Si je n’aurais jamais d’orgasme dans ma vie. Vu ce que mon copain me racontait sur l’orgasme, ça me faisait pourtant bien envie. Ce n’est que lorsque l’on a commencé à s’y intéresser que j’ai pu pleinement vivre nos relations sexuelles (on n’a pas attendu la campagne Osez le clito, mais peut-être qu’elle va aider d’autres couples ou d’autres femmes). Alors oui, peut-être qu’il y a beaucoup de femmes qui n’ont pas besoin du clitoris pour se sentir bien dans une relation, peut-être qu’il y a des femmes qui se contentent de la pénétration, qui ont des orgasmes parfaits comme cela. Et puis sûrement qu’il y a aussi beaucoup de femmes comme moi. Et peut-être qu’il y a même encore beaucoup de femmes qui l’ignorent.







Alors je me suis demandé pourquoi je donnais si peu d’importance à mon clitoris. Et je me suis rappelée qu’au cours de sciences, quand on a vu la reproduction sexuelle humaine, on a beaucoup parler du pénis. Je sais même encore vous dire qu’il est constitué de corps caverneux, qui se gorgent de sang quand l’homme est excité et entre en érection. Que c’est le gland la partie la plus sensible, qu’on peut le caresser ou le lécher, mais qu’il ne faut pas oublier de caresser tout le pénis de temps en temps. Que l’homme est essentiellement excité par des stimuli visuels. Et la femme ? Elle est excitée par quoi ? Comment fonctionne le clitoris ? Ou faut-il appuyer ? Comment faut-il le caresser ? Rien dans mon cours de sciences en tout cas. De quoi a-t-on parlé alors ? Des règles, des « menstruations » (n’ayez pas peur, si déjà vous êtes effrayés par une petite affiche de rien du tout, j’ose imaginer vos réactions face à ce mot). Ah ça, c’est sûr je sais exactement à quel moment de mon « cycle menstruel » je dois faire l’amour pour avoir toutes mes chances de tomber enceinte. Sauf que cela ne me servira pas, je ne veux pas d’enfants. Il m’aurait été plus utile qu’on me dise comment fonctionne mon clitoris. Cela m’aurait évité quelques nuits blanches. Bien sûr, savoir comment fonctionne son corps est important. Bien sûr, connaitre son cycle menstruel est capital. Je suis bien contente de le savoir. Je me connais mieux. Mais on aurait pu aussi ne pas oublier le clitoris pour permettre aux filles de mieux se connaître.









@http://cereales.lapin.org/






Le plaisir féminin






Oui, la campagne dit en substance que le plaisir féminin n’est pas toujours complémentaire du plaisir masculin. Et cela choque. On ressort les mêmes insultes toujours répétées du féminisme lesbien. Comme si être lesbienne était une insulte. Mais, si la campagne parle de cela, c’est pour rappeler que les femmes aussi se masturbent. Et pas toujours avec un sex-toy en forme de dauphin joyeux et sautillant. Pas toujours en stimulant une pénétration. Et pour rappeler que, oui, les femmes peuvent avoir des envies, comme les hommes. C’est déjà assez dommage qu’il faille le rappeler, sans en plus s’en servir pour discréditer la campagne.





@http://www.zemedical.com







Mais n’oublions pas non plus que le plaisir féminin est très important pour beaucoup d’hommes lors d’une relation sexuelle. Voir la femme avec qui il fait l’amour prendre du plaisir est très excitant pour un homme. La femme peut prendre du plaisir seule, elle n’a pas spécialement besoin d’un homme pour cela, comme un homme n’a pas spécialement besoin d'une femme pour cela. Mais, bien sûr, on peut aussi prendre du plaisir à deux. Et là aussi, le clitoris a un rôle à jouer. Rappeler qu'il existe, et excite, ne fera donc pas de mal. Seule ou en couple, essayez. Essayons. Oh pardon, je ne voudrais pas vous « donner des ordres ».





@http://lemondedelabd.hautetfort.com/





A lire :










Les féministes, pas toutes d’accord avec la campagne : http://www.aufeminin.com/debats-de-societes/campagne-osez-le-clito-n76144.html

1 commentaire:

  1. à regarder en entier, si possible

    http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=fb39r6CvhqU

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