En journalisme, le sexe faible est-il condamné à le rester ? Si on peut constater une lente et encourageante évolution vers des médias plus équilibrés au niveau des genres, il reste encore des avancées à effectuer.
(il s'agit d'un de mes articles originaires du site de l'e-Ris, site d'info des étudiants en dernière année de journalisme)
La précarité dans le journalisme n'est pas une affaire de genre, c'est clair. En travaillant sur le dossier des intellos précaires, on l'a appris : dur dur pour toute une génération de journalistes de vivre de son métier. Cumul de petits boulots, concurrence continue et salaires peu attractifs, n'en jetez plus, la crise et des décisions éditoriales prises par des non-journalistes ont créé une situation problématique qui précarise les journalistes.
Pourtant, au sein de cette profession, hommes et femmes ne mènent pas le même combat. Il semblerait bien qu'être femme et journaliste ne soit pas la combinaison gagnante. L'AJP a beau nous apprendre dans une étude, qu'en dix ans, les femmes sont passées de 26 à 32% dans la profession, en attendant en Belgique, sur 5398 journalistes, on compte seulement 1687 femmes, stagiaires compris. Si on y regarde d'encore plus près, il n'y a aucune femme à la tête de groupes de presse, ni à la tête de grandes chaînes audiovisuelles. On compte une seule femme rédactrice en chef dans la presse quotidienne en Belgique francophone, Martine Maelschalck du journal l'Echo, et une seule femme en presse magazine, Christine Laurent du Vif-L'Express. Dans un style beaucoup moins discret, Béatrice Delvaux a aussi été rédactrice en chef du journal Le Soir pendant un certain temps, avant d'être reléguée au statut d'éditorialiste en chef, un statut...créé sur mesure pour elle. Quel honneur !
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S'il faut donc saluer ce chiffre de 32%, pas de quoi sauter de joie non plus. A l'occasion de la journée des droits de la femme, la Fédération internationale des journalistes rappelait d'ailleurs que les femmes journalistes gagnaient toujours un salaire moindre que les hommes. Encore mieux : elles bénéficient également de moins d'avantages sociaux, tels que la pension et le pécule de vacances. Pourtant, comme le rappelle Mindy Ran, Présidente du Conseil du Genre de la FIJ, « les femmes journalistes affrontent les mêmes dangers que leurs collègues masculins, elles sont parfois plus vulnérables au harcèlement et à l'intimidation, mais restent moins bien payées pour un travail égal, et ont moins de sécurité d'emploi ». En Europe, selon le WageIndicator de la FIJ, une journaliste est payée 16% de moins qu'un journaliste. Et, d'après le même WageIndicator, une journaliste belge est payée 9% moins qu'un journaliste belge. Alors quoi, le travail d'une femme, il vaut moins qu'un homme ?
Les femmes sont donc sous-représentées et plus précarisées que leurs homologues masculins. Le rapport sur l'égalité et la diversité en presse quotidienne a rendu les mêmes conclusions en 2011. 18%, c'est le (petit) pourcentage de femmes étant identifiées comme "journalistes" dans la presse quotidienne.
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De même, parmi les personnes lues, vues, et entendues dans nos médias, les femmes sont presque inexistantes. Elles étaient seulement 28% en 2011. Pas de doute, en ouvrant votre journal, en allumant votre télévision ou votre radio, vous avez plus de chance de tomber sur Marc, homme blanc, cadre, âgé d'environ 40 ans que sur Karolina, femme de ménage polonaise de 25 ans. Existe-t-il un lien de cause à effet ? S'il y avait plus de femmes journalistes au sein de médias, y-aurait-il plus de femmes présentes dans les médias ? La question reste ouverte mais le lien entre les deux n'est sans doute pas fortuit.
Pourtant, les diplômés en journaliste sont plutôt des diplômées. Les femmes constituent 70% de ceux qui finissent des études de journalisme. Pour expliquer cette différence avec le nombre de femmes travaillant ensuite dans la profession, le motif de la vie de famille, incompatible avec ce métier, est souvent avancé. Encore une fois, le fait qu'une femme peut éventuellement travailler et vouloir des enfants sert d'excuse au monde du travail. Dans les faits, force est pourtant de constater que les employeurs continuent d'engager plus d'hommes que de femmes. Pire, en presse quotidienne, la présence des femmes décroît quand leur âge augmente. Pareil pour l'écart salarial, qui augmente avec l'âge. Ainsi, l'écart salarial est le plus grand pour les femmes âgées de 35 à 40 ans. En Belgique, dans cette tranche, elles gagnent 17% de moins qu'un homme du même âge. Le travail d'une femme "âgée" vaut donc encore moins que celui d'une femme jeune. Les starlettes d'Hollywood ne sont donc pas les seules à être victimes du jeunisme...
Nos médias aiment à fustiger les inégalités en politique ou dans les entreprises, peut-être devraient-ils d'abord balayer devant leur porte, et pour ça, rien de mieux que d'engager des femmes. Comment ça, non ?
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