mardi 15 novembre 2011

J’accuse

Un article du Soir faisant de la pub pour un livre concernant ces « images qui ont fait scandale ». Je suis surprise de voir la couverture de l’album du chanteur français Saez, J’accuse, en début d’article, avec la légende « retirée de l’affichage pour l’image dégradante de la femme qu’elle véhicule ».





Ah. Non parce que dit comme ça, on dirait vraiment qu’on lutte contre l’image dégradante de la femme présente dans la publicité. Dit comme ça, ça fait très joli. J’en pleurerais presque d’émotion. Enfin, on lutte contre l’image dégradante de la femme dans la publicité. Je peux mourir tranquille. Sauf que. Sauf qu’elle n'est pas là, la vraie polémique. Elle n’est pas dans l’image de la femme véhiculée par cette couverture d’album et affiche. Oui, elle sert à faire vendre. Mais le fait-elle en utilisant le corps de la femme ? C'est mal connaître l'artiste, qui aime autant la publicité que moi. La vraie polémique, elle est dans ce qui est sous-entendu dans cette affiche. Une femme, nue, dans un caddie. Par cette affiche, Saez dénonce la marchandisation du corps de la femme, tel qu'utilisé dans la publicité. C’est plutôt clair. Une femme, nue, dans un caddie. Il faudrait le dire comment ? L’écrire en gras en-dessous en plus ?

Récapitulons. Quand les galeries Layette diffuse cette publicité dans les métros parisiens en mars 2010, bieeeeeen. On ne censure pas :



On n’estime qu’aucune femme n’est « dégradée ». Dans les mêmes métros, le même mois de la même année, les affiches pour l’album de Saez, qui, rappelons-le, « dénonce » cette marchandisation du corps de la femme, et donc l’affiche montrée ci-dessus :  paaas bieeeeen. Censurons. Pire. Censurons l’affiche qui dit qu’on censure. Car cette affiche-ci a également été censurée :


C’est sûr. Je me sens dégradée par cette image. Carrément pernicieuse. Comment ose-t-on seulement placarder ça sur nos murs, je vous le demande ma bonne dame ? On comprend surtout que ce qui dérange l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité, ce n’est pas l’image dégradante de la femme, oh non. Ils auraient un peu plus de boulot. C’est le symbole derrière, la simple dénonciation de cette image dégradée. Comme le dit si bien Saez, c’est le caddie qu’on a voulu protéger. D'ailleurs sur la photo non censurée des Galeries Lafayette, pas de caddie. Pas de censure. Voici le texte de Saez (parce qu’il écrit beaucoup mieux que moi) :
« Allo Paris, bonjour tristesse.
Notre photo, une femme nue dans un caddie, utilisée comme visuel de notre album et comme affiche de concert, a été interdite dans les couloirs des métros et sur les kiosques à journaux. Dans une seconde étape, une autre affiche textuelle signifiant cette interdiction l’a été à son tour par tous les réseaux publicitaires, méprisant ainsi et la liberté de l’art et la liberté d’expression. Une femme nue dans un caddie, outrage aux mœurs du commerce ? Remise en question du système ? Droit d’informer ? Quel crime avons-nous donc commis ? Cette interdiction aurait pour but, qu’ils disent, de protéger l’image de la nature humaine, j’en doute. Mais protéger l’image du caddie ? Ça c’est certain. Les publicistes portant le drapeau de la nature féminine... Faîtes moi rire... Une chose est sûre, les caddies valent plus que les hommes dans nos pays. Quand les bureaux du commerce prennent des allures d’entrée de boites de nuit, quand la ségrégation outre raciale en devient culturelle, la honte grandit. J’ai honte pour ces gens, honte pour mon pays, honte pour ce qu’il est devenu, honte pour cette auto-censure que la société s’inflige à chaque fois qu’elle ouvre sa bouche. Et dire que nous étions d’avant-garde un jour... Alors que le vulgaire à outrance et les illégalités font rage sur chaque devanture et dans ces mêmes couloirs de métro, alors que nous vendons nos chairs, à tort et à travers, pour n’importe quel inutile qu’il faudra vendre aux enfants, alors que la femme n’a jamais été autant méprisée dans sa qualité d’être humain autre que celle d’être une chatte béante dans laquelle on refourgue tous les artifices du nouveau monde, voilà que les petits capos voient de l’outrage quand le féminisme est à son expression la plus pure. Mais quelle est cette douleur qui fait si mal dans les p’tits slips des p’tits capitalistes d’arrêt de bus ? Les miroirs feraient-ils donc si peur à ceux qui n’aiment pas leur visage ? D’abord une photo, puis des mots.... Dis quand viendra le temps où nous reverrons la liberté ailleurs que sur nos billets de banque ? Cet album que nous sortons est l’œuvre de deux ans de travail, d’écriture, de production, de musique, de réflexion, d’argent et surtout de temps. Un art populaire mis à mal par les pilleurs de tombeaux que sont tous les vendeurs de câbles en tous genres. Je suis parti des majors company pour ne pas finir en abonnement téléphonique, en sonnerie de portable vendue à des crétins. Bien sûr, on est blasé de tout, bien sûr on ne s’étonne plus de rien, bien sûr ça n’est pas grand chose, qu’une photo aujourd’hui, quoi demain ? Bien sûr je continuerai à être libre, bien sûr qu’on galère tous à faire nos courses, bien sûr qu’il y a toujours plus grave, bien sûr, bien sûr... Mais les symboles sont là pour stigmatiser très souvent des maux bien plus profonds, et les choses sans grande importance à première vue cachent souvent des forêts qui le jour où elles prennent feux font bien plus de dégâts que la liberté. »


Saez, Saez…c’est pas lui qui chante : « Salut à toi, femme au combat, toi dont la lutte à pris la rouille, comment te dire mais de nos jours les féminismes manquent de couilles » ? Force est de constater que ça arrive à d'autres.

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